L’année boursière 2023 peut aisément être qualifiée d’année en trompe l’œil dans la mesure où les indices boursiers ont enregistré des records laissant penser que les valorisations des entreprises sont à leur sommet. Or, une analyse détaillée des indices permet de constater que la hausse a été alimentée par un nombre restreint de valeurs qui ont enregistré des performances à 3 chiffres tandis qu’une pléthore de valeurs sont demeurées stables ou en baisse. L’exemple du S&P 500, l’indice des 500 plus grosses actions américaines, en est une parfaite illustration. Les « 7 magnifiques », à savoir Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft, Tesla et Nvidia ont, à elles seules, concouru à une progression de 25 % du S&P 500 sur l’année 2023. Sachant que celui-ci a terminé l’année sur un gain de 24 %, il est évident que sans ces fleurons technologiques, la bourse américaine aurait connu une stagnation.

En 2023, l’indice mondial a progressé de 16 % en euros et peut donc être comptabilisé parmi les bons millésimes. Le CAC 40 a enregistré une hausse de près de 17 % et se situe en deçà de l’Euro Stoxx 50 qui affiche un gain de 19 %. Les USA ont également connu d’excellentes performances avec une hausse de 24 % du S&P 500 et de 43 % du Nasdaq. En raison de la hausse de l’euro face au dollar, les performances pour un investisseur européen sont ressorties respectivement à 21 % et 40 %. Le Nikkei, l’indice de la bourse japonaise, a progressé de 28 % en yens et de 17 % en euros compte tenu de la variation du taux de change euro/yen. La Chine, à l’instar de la bourse de Hong Kong en recul de 21 %, est la seule grande puissance à avoir essuyé des pertes en 2023.

En 2023, les pays qui ont enregistré les plus fortes hausses sont : l’Argentine (+56 %), la Bulgarie et le Liban (+42 %), la Pologne et la Hongrie  (+40 %), la Grèce (+39 %), l’Egypte (+33 %), le Mexique (+32 %), la Roumanie (+30 %), le Kazakhstan (+29 %), le Sri Lanka (+28 %), l’Italie (+27 %) ainsi que le Pérou, la Slovénie et le Danemark (+25 %). Parmi les mauvais élèves figurent le Kenya (-52 %), le Nigeria (-30 %), l’Ukraine (-26 %), Trinidad & Tobago (-25 %), le Zimbabwe (-22 %), Hong Kong (-21 %) et la Chine (-20 %).

Bien évidemment, la progression des marchés boursiers ne fut pas linéaire au cours de l’année. A l’image du CAC 40, les marchés ont enregistré une belle progression jusqu’en avril avant d’amorcer une phase de consolidation jusque fin octobre puis d’entamer un rallye haussier alimenté par les anticipations de baisse des taux d’intérêt permettant ainsi d’établir un nouveau record. Le scénario fut identique aux USA à la différence que le record sur le S&P 500 du 3 janvier 2022 (4 818,62 points) n’a pas été battu lors du rallye de décembre. 

Si l’année 2023 a été favorable aux actions, elle s’est avérée être moins reluisante pour les obligations qui ont souffert des hausses de taux survenues au cours de l’année. Il faut garder en mémoire que le taux des bons du trésor américains à 10 ans est passé de 3,90 % à 5 % en octobre pour ensuite se détendre au niveau de 3,8 % ce qui, au final, correspond à un léger repli générant une performance de l’ordre de 4 % sur l’année. La situation s’est révélée plus favorable pour les obligations européennes dans la mesure où la baisse des taux a été plus franche à l’image du taux de l’OAT 10 ans qui est passé de 3,11 % début janvier à 3,54 % en octobre pour finir l’année à 2,51 % délivrant ainsi une performance globale de plus de 11 % sur 2023.  

Pour 2024, le scénario central des économistes fait ressortir une croissance économique atone avec une stabilité des taux d’intérêt avant d’entrevoir une baisse à partir du second semestre.

Un tel scénario est bénéfique pour les obligations car leur cotation évolue inversement à leur rendement. Autrement dit, lorsque les taux baissent, les cours des obligations augmentent et vice versa. Même si certaines sociétés de gestion estiment que le marché est trop optimiste et que les baisses de taux ne surviendront pas en 2024, tous les experts s’accordent à dire que le pire est derrière nous et que les obligations sont une solution incontournable en 2024.

Au sein de la classe obligataire, les gérants recommandent de privilégier les obligations souveraines ainsi que celles d’entreprises car elles offrent des rendements très attractifs que nous n’avions plus connus depuis 2011. Concernant les obligations émises par les entreprises, il est préférable d’opter pour celles classées dans la catégorie « investment grade » c’est-à-dire les plus solides. En dépit d’un rendement supérieur, les obligations « high yield » ne sont pas recommandées compte tenu d’un risque trop élevé dans un contexte de récession ou de stagnation économique. En effet, dans un monde où la croissance économique s'affaiblit, les entreprises auront du mal à augmenter leur chiffre d'affaires tandis que les pressions sur les coûts persisteront et pourraient même s'aggraver car elles devront se refinancer à des taux plus élevés.

En résumé, quelle que soit l’évolution des taux, les obligations devraient tirer leur épingle du jeu en 2024. Dans l’hypothèse d’une stagnation des taux, la performance sera délivrée par les coupons désormais redevenus attractifs. En cas de baisse des taux, les plus-values générées auront pour effet de booster le rendement global. Et si, contre toute attente, les taux devaient se tendre, la pression baissière sur les prix serait contrebalancée par le niveau élevé des coupons évitant ainsi d’avoir à essuyer de lourdes pertes. 

En revanche, les perspectives ne sont pas aussi encourageantes pour les actions. En effet, dans un contexte de stagnation économique, voire de récession, le moteur des actions, à savoir la croissance des bénéfices des entreprises, risque d’être mis à mal. Par conséquent, une telle situation plaide pour une faible hausse voire une stagnation des marchés en 2024. Le scénario serait radicalement différent si les banques centrales assouplissaient leurs politiques monétaires ce qui impulserait un coup de fouet aux actions. Il est vrai que, dans un monde idéal, c’est-à-dire avec une croissance au rendez-vous et des taux d’intérêt en repli, les ingrédients seraient réunis pour une poursuite de la dynamique haussière des actions.

Comme souligné précédemment, l’évolution des taux d’intérêt est l’une des variables cruciales pour déterminer l’orientation des marchés boursiers. Sachant que la variation des taux d’intérêt est corrélée à l’inflation, cette dernière est l’un des principaux facteurs de risque des marchés. S’il est probable que les pressions inflationnistes à l’échelle mondiale continueront de s’atténuer, il n’en reste pas moins vrai que la transition énergétique et l’émergence d’un nouvel ordre mondial pourraient de nouveau pousser les prix à la hausse, en particulier ceux de l’énergie et des denrées alimentaires, mettant à mal le scénario de baisse de taux. Il est évident que si l’inflation devait repartir à la hausse contraignant ainsi les banques centrales à de nouvelles hausses de taux, la probabilité d’entrevoir un krach boursier serait élevée.

Outre l’inflation, un autre risque de déstabilisation des marchés concerne la géopolitique car, en 2024, plus de 2 milliards d’individus seront appelés aux urnes. L’élection la plus significative est la présidentielle américaine qui serait susceptible d’ébranler les marchés si Donald Trump était élu. Son programme économique très protectionniste prévoyant notamment l’instauration d’un droit de douane de 10 % sur les importations risquerait de modifier le commerce mondial. D’autre part, la sortie des USA de l’OTAN ainsi que l’arrêt de l’aide à l’Ukraine pourrait bouleverser radicalement les grands équilibres géopolitiques.

Quoiqu’il en soit, les stratèges tablent sur un atterrissage en douceur de l’économie américaine évitant une récession sévère qui semblait inévitable compte tenu du resserrement monétaire très agressif portant les taux à plus de 5 %. Même si les USA devaient, malgré tout, connaître une récession celle-ci serait faible permettant au marché boursier américain de se comporter honorablement.

En Europe, le scénario le plus probable semble être une légère récession et une stabilité des taux d’intérêt. En effet, pour les experts, le processus de baisse des taux en Europe ne devrait pas être engagé avant 2025. Dans ce contexte, une hausse des actions européennes semble moins évidente qu’aux USA. Une bonne surprise pourrait toutefois venir des petites et moyennes capitalisations qui accusent une sous-valorisation historique par rapport aux grosses capitalisations laissant augurer le réveil de ce segment de la côte en 2024.

Après avoir attiré les capitaux et les investissements par sa forte croissance, la Chine ne fait plus rêver. En dépit des efforts du gouvernement pour soutenir les cours, les indices chinois ont continué de sombrer enregistrant une troisième année de baisse consécutive. La purge est telle que le marché chinois est, désormais, devenu l’un des moins chers au monde. Cette sous-valorisation n’est toutefois pas suffisante pour attirer les investisseurs dans la mesure où les difficultés de l’économie chinoise demeurent omniprésentes. La démographie, l’idéologie, l’endettement et la crise immobilière sont de nature à impacter négativement la croissance économique et ce de manière structurelle. La prise en compte des futures élections présidentielles à Taiwan et aux USA ajoute de l’instabilité incitant les investisseurs à se tourner vers d’autres pays.

Les déboires du marché chinois contrastent avec la performance insolente du marché indien qui a enregistré une huitième année consécutive de hausse. L’Inde a bénéficié d’une bonne partie des flux qui se sont détournés de la Chine et a franchi le cap des 4 000 milliards de dollars de capitalisation moins de 3 ans après avoir atteint les 3 000 milliards. Le cinquième plus grand marché au monde talonne désormais la place de Hong Kong avec ses 4 600 milliards de dollars. Toutefois, au regard des multiples élevés de valorisation, la plupart des experts estiment qu’il convient d’être prudent à court terme mais demeurent positifs sur le potentiel de la bourse indienne sur le long terme.

Concernant le Japon, les analystes parient sur la poursuite de la hausse sous l’effet d’une croissance soutenue des bénéfices des entreprises dopés par un yen faible permettant de stimuler les exportations. Le consensus table sur un Nikkei proche des 35 000 points en juin 2024. Après l’été, la situation risque de devenir moins favorable dans la mesure où la politique monétaire devrait se durcir puisque la Banque du Japon prévoit de remonter ses taux d’intérêt restés proche de 0 % en dépit des résurgences inflationnistes.

L’or bénéficie d’un consensus favorable en raison des anticipations de baisse du dollar, de la poursuite des incertitudes et des risques d’endettement des états. En clair, il devrait jouer à plein son rôle de valeur refuge.

En conclusion, pour 2024, les obligations sont incontournables car elles devraient pouvoir tirer leur épingle du jeu dans tous les scenarii. L’accent doit être mis sur les émetteurs les plus solides, à savoir les emprunts d’Etat et les entreprises les mieux notées. Dans une optique de baisse des taux, il est préférable d’opter pour des obligations dont l’échéance est lointaine car elles sont plus sensibles au taux et généreront donc des plus-values plus élevées. Concernant les actions, le maître-mot est l’incertitude puisque leur performance est dépendante des politiques monétaires et budgétaires, de la vigueur de la consommation, des coûts d’emprunt et de l’environnement géopolitique. Dans cette mouvance incertaine, les secteurs défensifs tels que la santé et les biens de base sont recommandés. A priori, le stock picking, c’est-à-dire la sélection des valeurs, devrait être la stratégie gagnante en 2024 à l’inverse de la gestion indicielle qui devrait marquer le pas. La majorité des stratèges estiment que les marchés américains et japonais devraient continuer à surperformer et, à l’inverse, que les marchés émergents, dont la Chine, devraient sous performer. A mesure que l’année progressera et que les taux s’assoupliront, une rotation sectorielle sera à effectuer afin de s’exposer davantage aux marchés cycliques, tels que l’Europe, les pays émergents et les petites capitalisations. A priori, l'intelligence artificielle devrait demeurer l’un des thèmes importants des marchés actions avec la transition énergétique et la santé. Dans tous les cas, il est évident que 2024 réservera son lot de surprises bonnes et mauvaises favorisant une forte volatilité au gré des statistiques économiques telles que l’inflation et la croissance. 

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