Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a modifié le calendrier fiscal en raison de la poursuite du confinement lié au Covid-19. Le service de télédéclaration des revenus ouvrira désormais ses portes le lundi 20 avril 2020. Pour rappel, la déclaration des revenus doit obligatoirement s’opérer en ligne via le site impots.gouv.fr en veillant au respect des dates limites fixées selon le découpage départemental suivant :
- Le jeudi 4 juin 2020 pour les départements 1 à 19 ainsi que les non-résidents,
- Le lundi 8 juin 2020 pour les départements 20 à 49,
- Le jeudi 11 juin 2020 pour les départements 50 à 976.
A titre dérogatoire, les contribuables dont la résidence principale est située en zone blanche ou non équipée d’un accès internet peuvent continuer à adresser une déclaration papier. Il en est de même pour les personnes âgées, handicapées ou dépendantes si elles ne se sentent pas capables d’utiliser le portail déclaratif. Dans ce cas, la date limite est fixée au vendredi 12 juin 2020.
N’attendez pas d’avoir reçu vos imprimés déclaratifs par voie postale pour débuter votre déclaration car les services fiscaux ne vous les adresseront pas. En effet, tous les contribuables ayant déclaré leurs revenus en ligne l’année dernière ont été automatiquement placés sous le format « zéro papier ». En revanche, votre avis d’impôt continuera à vous être adressé par voie postale sauf demande expresse de votre part.
A l’approche de cette période, il nous semble utile de se pencher sur une spécificité fiscale concernant les dirigeants de société.
L’instauration du prélèvement à la source au 1er janvier 2019 a eu pour corollaire le non-recouvrement des impôts sur les revenus de l’année 2018 via la mise en place du Crédit d’Impôt de Modernisation du Recouvrement (CIMR) d’où la fameuse « année blanche » sur le plan fiscal. Rappelons que, sans ce crédit d’impôt spécifique, en 2019, vous auriez dû acquitter vos impôts à la fois sur les revenus de 2018 et de 2019.
Afin d’éviter que les professions ayant la maîtrise de leur rémunération puissent tirer profit de cette année blanche, l’administration fiscale a établi des mesures anti-optimisation en instaurant une règle spécifique relative aux revenus dits exceptionnels. Ainsi, par nature, la part des revenus 2018 qui a excédé la plus haute rémunération perçue sur les années 2015, 2016 et 2017 a été qualifiée d’exceptionnelle et a donc été imposée. Ont directement été visés par cette mesure, les dirigeants de société ainsi que les professions indépendantes imposés au titre des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC), Bénéfices Non Commerciaux (BNC) et Bénéfices Agricoles (BA).
Illustrons ce mécanisme avec un chef d’entreprise qui a perçu les rémunérations nettes imposables suivantes : 100 000 € en 2015, 120 000 € en 2016, 90 000 € en 2017 et 150 000 € en 2018. Au titre de l’imposition des revenus 2018, l’administration fiscale a considéré les 120 000 € (rémunération la plus élevée sur la période 2015 à 2017) comme non exceptionnels et, le solde, soit 30 000 €, comme exceptionnel. Le revenu imposable de 150 000 € induit un impôt de 47 587 € (pour un célibataire) et un CIMR de 38 070 €. Ce CIMR, qui a pour objet de neutraliser l’impôt sur les revenus non exceptionnels, est calculé comme suit : 47 587 € x (120 000 € / 150 000 €). En clair, en raison de la perception de revenus exceptionnels, ce contribuable a acquitté 9 517 € d’impôt (47 587 € - 38 070 €) au titre des revenus 2018. En l’absence de revenus qualifiés d’exceptionnels, le chef d’entreprise n’aurait acquitté aucun impôt.
Si, en 2019, la rémunération de ce chef d’entreprise est ressortie à 150 000 €, il en résulte que la rémunération de 2018 ne sera pas jugée comme exceptionnelle et, dans ce cas, le plafonnement du CIMR de 2018 n’était pas applicable. En l’occurrence, dans notre exemple, le chef d’entreprise serait en droit de récupérer les 9 517 € acquittés à tort en 2019.
Si la rémunération de 2019 s’avérait comprise entre 120 000 € et 150 000 €, le chef d’entreprise pourrait tout de même prétendre à une restitution d’une fraction du CIMR. Ainsi, pour une rémunération fixée à 130 000 €, la restitution atteindrait 3 172 €. Dans ce cas, le nouveau CIMR se monterait à 6 345 € et se décomposerait comme suit : 47 587 € x (130 000 € / 150 000 €). La différence entre ces deux CIMR (9 517 € - 6 345 €) génèrerait un montant restituable de 3 172 €.
Si vous vous trouvez dans une telle situation, vous devez être particulièrement vigilant car les services fiscaux ne vous dégrèveront pas systématiquement. Au titre des incohérences fiscales figure également un traitement différent selon que vous ayez le statut d’indépendant (BIC, BNC ou BA) ou celui de dirigeant de société. Dans le premier cas, vous n’aurez rien à faire puisque les services fiscaux procéderont au remboursement du trop versé. En revanche, si vous êtes dirigeant de société, vous devez impérativement introduire une réclamation contentieuse auprès des services fiscaux afin d’obtenir la restitution du trop versé. En l’absence d’une telle démarche, vous ne pourrez prétendre à aucun remboursement.
Bien évidemment, vous devez vous manifester avant le délai de prescription qui est, en matière d’impôt sur le revenu, fixé au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la mise en recouvrement. Sachant que la mise en recouvrement des revenus 2018 a été opérée en 2019, vous devrez donc impérativement agir avant le 31 décembre 2021.
En résumé, si vous êtes un dirigeant de société qui s’est trouvé soumis d’office à la taxation des revenus exceptionnels sur 2018 et disposez d’une rémunération 2019 supérieure à la plus élevée enregistrée sur la période 2015-2017, vous devrez déposer une réclamation auprès des services fiscaux pour percevoir votre dû.
Si vous faites partie des 3 millions de propriétaires bailleurs, vous redoutez très certainement la période fiscale car vous allez, de nouveau, être confronté à ce casse-tête dans le traitement fiscal des provisions pour charges.
En tant que propriétaire d’un appartement, vous recevez chaque trimestre un appel de fonds émanant du syndic de copropriété faisant état de votre quote-part de charges et de travaux à acquitter. Pour mémoire, les appels de fonds correspondent à des provisions établies selon un budget prévisionnel en vue de faire face aux dépenses de la copropriété durant l’année. Le montant définitif est entériné lors de l’approbation des comptes en assemblée générale au regard des dépenses réellement supportées.
Si votre bien est loué, les provisions versées au syndic sont déductibles des revenus issus de la location. Toutefois, ces provisions incluent certaines dépenses non déductibles sur le plan fiscal car récupérables sur le locataire ou non déductibles par nature.
Les charges récupérables sur le locataire concernent principalement :
- Les dépenses d’entretien, de fonctionnement et de réparation des ascenseurs.
- Les dépenses d’eau et de chauffage collectif des locaux privatifs et des parties communes tant pour la consommation que pour l’entretien et les réparations.
- Les dépenses d’entretien et de réparation des parties communes intérieures et extérieures.
Les charges non déductibles concernent principalement les travaux de reconstruction ou d’agrandissement. Il est à souligner que les travaux d’entretien, de réparation et d’amélioration sont déductibles des revenus fonciers. Toutefois, leur déduction ne pourra intervenir qu’au moment où le syndic aura réglé les entreprises et non lorsque le copropriétaire a acquitté l’appel de fonds.
L’article 31 du Code Général des Impôts stipule en son paragraphe 1 a quater que la provision doit être intégralement déduite l’année du versement entre les mains du syndic pour, l’année suivante, faire l’objet d’un retraitement en réintégrant la partie non déductible des provisions. En règle générale, la dissociation entre les charges locatives récupérables sur le locataire et celles déductibles est opérée par le syndic dans son état annuel récapitulatif. Si tel n’est pas le cas, il vous incombe de procéder à la répartition par vos propres moyens.
En clair, concernant la déclaration d’impôt 2020 basée sur les revenus 2019, vous devez déduire les provisions payées en 2019 pour leur montant intégral en les reportant en ligne 229 dénommée « Provisions pour charges payées en 2019 » de la déclaration des revenus fonciers (imprimé 2044). Même si lors du dépôt de la déclaration de revenus, vous avez connaissance de la répartition entre les charges déductibles et celles récupérables sur le locataire, vous ne pouvez pas opérer la distinction et devez donc déduire entièrement la provision payée sur l’année. Dans le même registre, vous n’avez pas à vous soucier que le syndic ait utilisé dans leur totalité les fonds que vous avez versés.
La réintégration est à opérer en ligne 230 dénommée « Régularisation des provisions pour charges déduites au titre de 2018 » de la déclaration des revenus fonciers. Autrement dit, cette opération consiste à réintégrer dans les revenus 2019 la fraction des provisions déduites à tort en 2018 puisque récupérable sur votre locataire ou non déductible.
Il est à souligner que si l’approbation des comptes de l’exercice 2018 présente un solde positif, c’est-à-dire que les provisions versées en 2018 ont été supérieures aux charges réelles, il y a lieu de réintégrer ce solde dans les revenus 2019. A l’inverse, si l’approbation des comptes de l’exercice 2018 présente un solde négatif, c’est-à-dire que le syndic a dû appeler un complément de provisions, celui-ci sera déductible des revenus fonciers 2019 s’il concerne des charges déductibles.
Afin de clarifier ces propos, illustrons ceci par l’exemple suivant :
- Provisions pour charges versées en 2018 : 1 500 €. Ce montant a été reporté sur la déclaration des revenus fonciers 2018 (déclaration déposée en mai 2019) en ligne 229 intitulée « Provisions pour charges payées en 2018 ».
- Provisions pour charges versées en 2019 : 1 600 €.
- En 2019, la reddition des comptes du syndic indique des charges globales de 1 300 € réparties comme suit : 400 € d’assurance de l’immeuble, 250 € d’eau et d’électricité, 350 € de rémunération du syndic et 300 € de dépenses d’entretien dont 100 € à la charge du locataire.
Dans ces conditions, les dépenses déductibles ressortent à 950 € (400 € d’assurance + 200 € d’entretien à la charge du propriétaire + 350 € de rémunération du syndic). Les dépenses fiscalement non déductibles se montent à 350 € (entretien à la charge du locataire + consommations d’eau et d’électricité).
Etant donné que la somme déduite en 2018 a porté sur la provision appelée dans son intégralité, soit 1 500 €, et que le montant réellement déductible après l’arrêté des comptes se trouve être limité à 950 €, il y a donc lieu de réintégrer la somme de 550 € (1 500 € - 950 €). Dans les faits, cela correspond aux 350 € non déductibles plus les 200 € excédentaires (provision de 1 500 € contre une dépense globale de 1 300 €). Les 550 € à réintégrer doivent être mentionnés sur la déclaration des revenus fonciers en ligne 230 dénommée « Régularisation des provisions pour charges déduites au titre de 2018 ».
Il y a également lieu de reporter la provision payée en 2019, à savoir 1 600 € en ligne 229 dénommée « Provisions pour charges payées en 2019 ». Ce faisant, sur 2019, la déduction réelle des charges sera de 1 050 € (1 600 € de provisions sur 2019 – 550 € de régularisation au titre des provisions 2018).
Si vous avez cessé de louer votre bien en 2019, il est admis, en pratique, que les provisions pour charges de copropriété versées en 2019 fassent l’objet d’une régularisation prévisionnelle. Il est à souligner que, si vous optez pour le régime micro-foncier en 2019, vous n’aurez pas à régulariser les provisions déduites en 2018.
Cet exercice fiscal pour le moins complexe ne doit pas vous laisser croire que vous en avez fini avec les régularisations de charges. En effet, vous devez procéder à la régularisation des charges vis-à-vis de votre locataire. Comme vous le savez, ce dernier acquitte, en plus de son loyer proprement dit, une provision pour charges correspondant aux dépenses imputables aux locataires mais décaissées par le propriétaire. Outre les charges précédemment citées (eau, chauffage, ascenseur, entretien des parties communes et des espaces verts), il convient d’ajouter la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
S’agissant d’une provision, il y a donc lieu de procéder à une régularisation annuelle. Celle-ci ne peut intervenir que lorsque toutes les dépenses sont connues, c’est-à-dire après l’assemblée générale annuelle des copropriétaires. La méthodologie est simple puisqu’il suffit de rapprocher les dépenses à la charge du locataire au total des provisions versées. En cas d’insuffisance, le locataire devra régler le différentiel. Si le montant à récupérer excède 10 % du montant du loyer, le locataire est en droit de demander d’étaler le reliquat de charges sur une période de 12 mois. En cas d’excédent, il revient au propriétaire de reverser au locataire le trop perçu par chèque ou sous forme d’une ristourne sur le prochain loyer.
Sur le plan concret, un mois avant la régularisation, vous devez adresser à votre locataire le décompte annuel détaillant chaque poste de dépenses avec la répartition opérée entre le bailleur et le locataire. Durant les six mois qui suivent, vous devez tenir les pièces justificatives à la disposition de votre locataire. Il convient d’être particulièrement vigilant car si vous avez oublié de procéder au décompte, au regard de la prescription triennale, vous ne pourrez pas remonter plus de 3 ans en arrière.
Vous disposez désormais de tous les éléments pour appréhender au mieux la gestion des provisions pour charges tant au niveau fiscal qu’au niveau de vos locataires.