Le climat change à une vitesse alarmante et nous en ressentons les effets un peu plus chaque jour. Rien qu’au cours de ces deux dernières années, nous avons enduré des incendies incontrôlables en Australie, des ouragans dévastateurs aux USA et des inondations dans le monde entier. Au cours des trois dernières décennies, la fonte des glaces s’est accélérée de 65 %. La cause principale est liée à l’augmentation de la température de l’atmosphère et des océans. Depuis 1980, l’atmosphère s’est réchauffée de 0,26°C par décennie et celle des océans de 0,12°C, d’où une montée des eaux. Une hausse d’un seul centimètre du niveau des océans entraine le déplacement d’au moins un million de personnes impliquant des conséquences économiques catastrophiques. La fonte des glaciers des montagnes met également en péril tout l’écosystème et la biodiversité. Selon les scientifiques, il faut limiter le réchauffement climatique à 1,5°C afin d’éviter des dégâts irréversibles sur notre planète.
Pour le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC), les énergies fossiles sont responsables de 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de 90 % des seuls rejets de CO2. Il est donc primordial de les réduire sans délai pour les éradiquer d’ici 30 ans comme le prévoient les engagements de l’accord de Paris initié en 2015. Pour rappel, cet accord a établi l’équation suivante : pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, il est impératif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Son principe consiste à compenser, à l’échelle de la planète, toute émission de gaz à effet de serre issue de l’activité humaine par des séquestrations de quantités équivalentes de CO2 afin qu’elles n’intègrent pas l’atmosphère.
Cet engagement a été renouvelé lors du sommet climat d’avril 2021 au cours duquel le chef de l’ONU a exhorté les états à faire de la décennie 2021-2030 celle de la transformation en vue de respecter les engagements de neutralité carbone d’ici 2050. De son côté, l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) rappelle qu’un français émet en moyenne 11 tonnes de CO2 équivalent par an quand l’objectif de neutralité imposerait 2 tonnes de CO2 équivalent par an.
Même si la route est encore longue, nous avons tous pris conscience de la nécessité d’agir pour la planète. La crise sanitaire a amplifié le sentiment de vulnérabilité et de fragilité de nos existences et de l’urgence à préserver notre belle planète. Notre rapport à l’environnement a profondément évolué car il s’agit d’un passage obligé pour sécuriser nos modes de vie. De tous les dangers qui nous guettent, la lutte contre le réchauffement climatique est probablement celle qui s’est ancrée le plus fortement dans l’inconscient collectif.
Pour preuve, l’enquête réalisée en janvier 2021 par le programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) auprès de 1,22 million de personnes réparties dans cinquante pays fait ressortir que le changement climatique est une urgence mondiale pour 64% des personnes interrogées.
Les Britanniques, les Italiens et les Japonais se montrent les plus préoccupés suivis par les Américains, les Russes, les Vietnamiens et les Brésiliens. En France, en Allemagne, en Afrique du Sud et au Canada, plus des trois quarts des personnes interrogées parlent d'urgence mondiale. Même dans les pays moins concernés par le réchauffement climatique, la moitié des individus interrogés reconnaissent l'urgence.
Les jeunes sont plus enclins à voir le changement climatique comme une urgence. Ils sont suivis de près par les 36-59 ans. Parmi les plus de 60 ans, l'inquiétude est moindre car, selon eux, la planète peut bien attendre encore.
Parmi les 18 types d'actions proposées par ce sondage, la protection des forêts et des habitats naturels arrive en tête avec 54 % de soutien. Sur cette question, l'Amazonie incarne un emblème important dans la mesure où la destruction du « poumon vert du monde » ne cesse d'empirer depuis plusieurs années. Entre 2000 et 2018, la déforestation de l'Amazonie a atteint 513 016 km², soit 8 % de sa superficie totale. Les autres priorités concernent le développement des énergies renouvelables, l'amélioration des techniques d'agriculture plus vertueuses pour le climat et l’investissement dans une économie verte. Le régime alimentaire sans viande avec moins de 30 % des suffrages fait partie des initiatives les moins populaires.
Les hommes politiques ne sont pas en reste à l’instar de Barack Obama qui, en 2015, soulignait que « nous sommes la première génération à ressentir les effets du réchauffement climatique et la dernière à pouvoir encore faire quelque chose ». En janvier 2021, Joe Biden surenchérissait en déclarant que « le changement climatique est une menace existentielle pour l’Humanité. Si l’on ne fait rien, la planète va littéralement rôtir. Ce n’est pas une métaphore, c’est la réalité. Et nous avons une obligation morale d’agir ».
Cette prise de conscience s’est également étendue au monde de la finance. Même si, durant de nombreuses années, il a plus été préoccupé par le profit à court terme que le respect des critères environnementaux et sociaux, il est aujourd’hui confronté à une lame de fond sans précédent qui le pousse à intégrer les critères extra financiers dans les décisions d’investissement. Le temps où les rares acteurs à déclarer faire de la finance responsable agissaient plus par opportunisme en vue de capter l’épargne que par réelles convictions est révolu. La finance verte n’est donc plus un effet de mode mais une tendance irréversible. Précisons qu’en raison du montant important des ressources financières qu’ils gèrent, les établissements financiers peuvent participer activement à l’orientation des investissements vers des projets favorisant la transition énergétique.
L’enquête menée en mars 2021 par le gestionnaire d’actifs Robeco auprès de 300 investisseurs institutionnels mondiaux démontre que les financiers sont déterminés à accompagner cet immense défi. En effet, 86 % estiment que le réchauffement climatique sera un élément clé de leur politique d’investissement dans les deux prochaines années contre 73 % aujourd’hui et 33 % en 2019. 81 % estiment que les énergies renouvelables (éolien, solaire et hydrogène) constituent une partie de la solution. 66 % pensent que les actions internationales seront la catégorie à privilégier pour atteindre l’objectif de décarbonisation et que celui-ci concernera 50 % des actifs sous gestion dans les années à venir.
Placer son argent ne consiste plus uniquement à maximiser le profit quel qu’en soit le prix mais à tenir compte des conséquences que peut avoir un investissement sur notre environnement. Cette finance verte est clairement en plein essor partout dans le monde et c’est parfait car elle permet de donner un sens à notre épargne.
Les critères extra financiers intégrés par les financiers sont communément repris sous l’acronyme ESG.
Derrière le E d’Environnemental se cache notamment la politique de gestion des déchets, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la prévention des risques environnementaux, la consommation d’électricité…
Le S de Social fait référence à la qualité du dialogue social au sein des entreprises, la prévention des accidents, la formation du personnel, le respect des droits des employés, l’emploi des personnes handicapées…
Le G de Gouvernance intègre l’indépendance du conseil d’administration, la transparence de la rémunération des dirigeants d’entreprise, la lutte contre la corruption, la féminisation des conseils d’administration, la présence d’un comité de vérification des comptes, la structure de gestion des entreprises…
Comme le stipule l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), il s’agit des critères qui permettent d’évaluer un acteur économique en dehors des données financières habituelles que sont la rentabilité, le prix de l’action, les perspectives de croissance…. Par exemple, ils doivent tenir compte de l’impact sur l’environnement et la société, de la gestion des ressources humaines ou encore du traitement des actionnaires minoritaires. Ces critères extra financiers sont notés par des agences de notation extra financières chargées d’évaluer la politique sociale et environnementale des acteurs économiques.
Au-delà des notations, il existe des labels, un signe de qualité qui s’applique aux produits financiers et sur lequel les consommateurs peuvent s’appuyer pour faire leur choix. En matière de finance durable, il existe trois labels en France : le Label ISR, le Label GreenFin et le label Finansol.
Le label ISR (Investissement Socialement Responsable) permet d'identifier des placements responsables et durables. Créé et soutenu par le ministère des Finances, ce label garantit aux investisseurs que le fonds a développé une méthodologie d'évaluation des acteurs financiers sur la base des critères ESG et qu'il les intègre dans sa politique d'investissement.
Créé par le ministère de l’Environnement, le label GreenFin veut garantir la qualité « verte » des placements financiers au regard de leurs pratiques transparentes et durables orientées vers le financement de la transition énergétique et écologique. Ce label a la particularité d’exclure les fonds qui investissent dans des entreprises opérant dans le secteur du nucléaire et des énergies fossiles.
Le label Finansol concerne exclusivement les produits d'épargne solidaire, c'est-à-dire ceux qui financent des activités de lutte contre l'exclusion, de cohésion sociale ou de développement durable (logement, emploi, environnement, solidarité internationale…).
Selon l’Association Française de Gestion financière (AFG), l’encours des fonds estampillés investissements responsables a progressé de 21 % en 2019 pour atteindre plus de 1 860 milliards d’euros. La prochaine publication concernant les chiffres arrêtés au 31 décembre 2020 devrait constater le dépassement des 2 000 milliards d’euros.
Les indices boursiers ne sont pas restés à l’écart de cette vague verte. Ainsi, Euronext a lancé le 22 mars 2021, le CAC 40 ESG. Associé à l’agence de notation sociale et environnementale internationale Vigeo Eiris, Euronext a composé ce nouvel indice comprenant les 40 entreprises françaises ayant les meilleures pratiques sociales et environnementales au sein des 60 plus grosses entreprises qui composent le CAC Large 60.
La sélection des valeurs s’opère au regard du label ISR instauré par le Ministère de l’Economie et des Finances et du pacte mondial des Nations Unies plus connu sous sa terminologie anglaise « Global Compact ». La combinaison de ces deux méthodologies permet d’exclure les entreprises dont l’activité principale est jugée controversée (Energies fossiles, armes, tabac…) et de promouvoir les entreprises adoptant des pratiques respectueuses sur le plan des critères ESG. En conséquence, 9 sociétés présentes au sein du CAC 40 ont été évincées, à savoir : Airbus, Alstom, Arcelor Mittal, Dassault-Systèmes, Essilor Luxottica, Hermès, Saint-Gobain, Thalès et Total remplacées par Accor, Arkema, EDF, Gecina, Klépierre, Sodexo, Solvay, Suez et Valéo.
La composition de l’indice CAC 40 ESG est réévaluée trimestriellement par le comité scientifique d’Euronext au regard de la taille du capital flottant, c’est-à-dire selon le nombre de titres échangeables sur le marché boursier et le nombre de titres échangés.
Cet indice a pour but de permettre aux investisseurs, tant particuliers qu’institutionnels, de guider leurs investissements vers des entreprises ayant un profil qualifié de durable.
En termes de performances, le CAC 40 ESG s’avère être plus rentable que l’indice CAC 40. Depuis le 1er janvier 2010, date de reconstitution de cet indice, le CAC 40 ESG GR a enregistré une performance de 190 % ce qui correspond à un multiple de 2,9 fois la mise et une performance moyenne annualisée de près de 10 %. Sur la même période, le CAC 40 GR a performé de 140 % soit un multiple de 2,4 fois la mise et une performance moyenne annualisée de 8 %. Afin de mesurer la performance réelle des indices, il est impératif de prendre en compte les dividendes versés, c’est la raison pour laquelle nous avons retenu les indices dans leur version Gross Return (GR). Quelles que soient les périodes étudiées, le CAC 40 ESG surperforme le CAC 40. Autrement dit, les contraintes ESG ne sont pas un élément réducteur de la performance ce qui permet de réconcilier les investisseurs peu soucieux de la finance durable avec ceux qui y sont sensibles. Ceci corrobore une étude menée par Morgan Stanley portant sur 11 000 fonds d’investissement entre 2004 et 2018 qui avait démontré que la rentabilité de la finance verte n’était pas inférieure à celle des autres investissements.
Estimant que les critères ESG ne sont pas suffisants pour démontrer le bienfait de leur agissement, certains acteurs prônent la généralisation de la mesure de l’impact net. Il s’agit d’une notion née au cœur des organisations internationales et des banques d'investissement, telles que la Banque Mondiale ou l'Agence Française de Développement pour évaluer l'efficacité des programmes de développement au regard des investissements engagés. Les critères intègrent des facteurs extérieurs qui permettent de quantifier l’impact sur le terrain de l’action entreprise. Par exemple, lors du lancement d'un programme éducatif dans une école défavorisée en Inde, seule une partie de la classe sera bénéficiaire du programme quand l'autre partie fera l'objet de tests aléatoires pour comparer les différences entre les deux courbes de progression dans le temps et ainsi mesurer l'impact net des actions engagées.
Pour les épargnants, l'évaluation de l'impact est essentielle pour piloter et mesurer les externalités sociales et/ou environnementales positives attendues de leurs investissements. L’évaluation s’opère par rapport à des objectifs d’impacts spécifiques et définis ex-ante fondés sur une intentionnalité de l’investisseur et le cas échéant des entreprises dans lesquelles il investit. Les thématiques d’impact sont très nombreuses. A titre d’exemple, sont ainsi concernés : la création d’emplois dans des zones difficiles, l’accès aux services essentiels pour les populations à faibles revenus, la réduction des émissions de gaz à effet de serre par unité produite… Les principales caractéristiques liées à ce type d’investissement sont l’intentionnalité et l’additionnalité.
L’intentionnalité correspond à la volonté intentionnelle de l’investisseur de contribuer à générer un bénéfice social ou environnemental mesurable. L’additionnalité est la contribution particulière et directe de l’investisseur permettant à l’entreprise d’accroître l’impact net positif généré par ses activités. L’additionnalité est une façon de matérialiser l’intentionnalité et peut être financière ou extra-financière.
La notion d’impact semble beaucoup plus pertinente car elle ne se contente pas d’investir dans des entreprises disposant des meilleures pratiques environnementales, sociales ou de gouvernances mais a pour but de démontrer aux investisseurs l’impact réel positif de leurs investissements.
La finance verte, qui représente l’ensemble des opérations financières soutenant le développement durable, et plus particulièrement la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique, a indéniablement de beaux jours devant elle. En effet, les efforts déployés à travers le monde en vue de mobiliser le maximum de ressources, tant publiques que privées, ont placé les enjeux sociaux au premier rang des préoccupations en matière de finance durable. Il s’agit d’une tendance profonde et irréversible soutenue par les épargnants en quête de donner du sens à leur épargne et faire en sorte que leurs choix et leurs actions aient un réel impact bien au-delà de la seule performance financière.