La France connaît une crise du logement sans précédent. Pour preuve, depuis octobre 2021, l'offre de biens à louer a enregistré une baisse de 32 %. A Paris, la situation est encore plus marquée avec un recul du nombre d'appartements à louer supérieur à 55 %. Les coupables désignés sont les plateformes Airbnb, Abritel ou Booking qui contribuent à l’assèchement des locations de longue durée et à l’explosion des offres de location saisonnière dans les villes touristiques telles que Paris, Marseille, Bordeaux, Chamonix ou Biarritz…
Sur les 8 dernières années, les locations touristiques ont été multipliées par 4, passant de 300 000 à 1,2 million. Face à un développement des locations saisonnières jugé incontrôlable, les députés ont porté une proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des locations de tourisme à l'échelle locale afin de lutter contre la pénurie de logements et réduire les tensions sur le marché locatif. Cette proposition, déposée en avril 2023, a été votée en première lecture par l'Assemblée Nationale en janvier 2024, puis par le Sénat en mai 2024, avant de voir son parcours législatif retardé en raison de la dissolution de l’Assemblée Nationale. C'est donc après plusieurs mois de pause que la loi Le Meur, également dénommée loi anti Airbnb, a été adoptée en date du 7 novembre 2024 pour une entrée en application dès sa publication, soit a priori, en janvier 2025.
Cette loi, dont l’objectif est de contraindre les propriétaires immobiliers à louer leurs logements sur de longues durées, plutôt qu’en meublés touristiques, comprend un volet fiscal, environnemental ainsi qu’une augmentation des pouvoirs donnés aux élus locaux afin de réguler les meublés de tourisme. En clair, elle vise à réaligner les règles incombant aux propriétaires de meublés de tourisme sur celles, plus strictes, applicables aux locations de longue durée.
Sur le plan fiscal, les meublés classés et les chambres d'hôtes voient leur abattement fiscal réduit à 50 % dans la limite de 77 700 € de revenus locatifs annuels contre 71 % dans la limite de 188 700 € actuellement. Les meublés non classés sont également sanctionnés puisque l’abattement fiscal est abaissé à 30 % dans la limite de 15 000 € de recettes contre 50 % dans la limite de 77 700 € actuellement. Dans ce dernier cas, le législateur a souhaité un alignement parfait sur le régime du micro foncier inhérent aux locations nues tant sur le taux que le plafond.
Sur le plan concret, l’abaissement des seuils d’application au régime micro a pour effet d’obliger les contribuables à retenir le régime réel d’imposition ce qui, en définitive, aura peu d’effet sur l’offre locative meublée. Si le régime réel a pour inconvénient un formalisme plus lourd nécessitant le dépôt des déclarations 2031-2033 et, par conséquent, le recours à un cabinet comptable, il offre l’avantage de déduire l’intégralité des charges supportées et de pouvoir amortir le bien. En définitive, la plupart des contribuables ne seront pas pénalisés suite à cette diminution drastique des conditions du régime micro. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer aux chiffres de l’administration fiscale, relayés dans le rapport sur la fiscalité locative, qui indique que 70 % des loueurs en meublé non professionnels sont imposés au régime réel. En clair, la mesure ne vise donc que les 30 % des contribuables qui ont opté pour le régime micro. Finalement, sur le strict plan fiscal, la loi Le Meur aura un impact très limité sur la réorientation du marché vers les locations longues durées.
Afin d’éviter que les propriétaires de passoires thermiques puissent être tentés de recourir à la location de courte durée dans le but de se soustraire à la réglementation environnementale en vigueur, la loi Le Meur a aligné les critères de performance énergétique sans distinction de la nature de la location. En clair, les locations meublées de tourisme et celles de longue durée sont désormais soumises aux mêmes règles.
Concrètement, si votre bien n’est pas encore mis sur le marché, vous pourrez le mettre en location si, et seulement si, son DPE est supérieur ou égal au niveau E. A compter de 2034, les biens E ne seront plus éligibles à la location et devront donc impérativement être répertoriés D pour avoir le droit d’être loués.
En revanche, si votre bien est déjà offert à la location meublée, vous avez jusqu’au 1er janvier 2034 pour le rendre éligible à la norme D. Il est à noter qu’une mesure de tempérament a été prévue pour les meublés de tourisme puisqu’ils ne sont pas soumis au même calendrier que les autres locations qui prévoient l'interdiction de mise en location des biens classés G dès le 1er janvier 2025, et F à partir de 2028.
Toutefois, en cas de locations saisonnières situées dans une commune qui applique la réglementation sur le changement d'usage, le calendrier applicable en matière de DPE devient identique à celui des locations de longue durée et, dans ce cas, la mise en location nécessite de disposer d’un logement de niveau E a minima.
En cas d’absence de respect des obligations en matière de DPE, l'article L. 324-2-2 du code du tourisme créé par ladite loi, autorise le maire à demander au propriétaire d'un meublé de tourisme de lui transmettre, dans un délai de deux mois, le diagnostic de performance énergétique en cours de validité. En l’absence de réponse dans le délai imparti, le propriétaire est passible d'une astreinte administrative de 100 € par jour jusqu'à la délivrance du DPE. Au cas où les critères de performance énergétique ne seraient pas conformes à la réglementation, le propriétaire qui loue ou maintient le bien en location encourt une amende administrative de 5 000 € par local.
Il est à noter que ce dispositif en matière de DPE ne s’applique pas aux meublés de tourisme s’il s’agit de la résidence principale du propriétaire louée occasionnellement.
Afin de réguler l’offre des meublés de tourisme au profit des logements permanents, la loi Le Meur facilite la limitation de l’offre locative de courte durée. Pour ce faire, les maires disposent de l’arsenal suivant :
- L’enregistrement systématique des meublés de tourisme dans toutes les communes et, non uniquement, comme à ce jour, dans celles de plus de 200 000 habitants ou situées en petite couronne parisienne. En clair, tous les meublés de tourisme, aussi bien les résidences principales que secondaires, devront obtenir un numéro unique d’enregistrement auprès de la mairie. Cette obligation entrera en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, au 20 mai 2026. Afin de faciliter cette mesure, un téléservice national sera mis en place. En cas de non-respect de cette obligation d'enregistrement, le propriétaire pourra écoper d'une sanction pouvant atteindre 10 000 €. En cas de fausses déclarations ou d'usage d'un faux numéro de déclaration, l’amende pourra atteindre 20 000 €.
- La possibilité d’enjoindre aux plateformes de location de retirer l'annonce en cas d'arrêté de mise en sécurité ou d'insalubrité avec cessation de la rémunération due au propriétaire.
- La mise en place de quotas de meublés de tourisme en vue de maîtriser leur nombre. La commune peut fixer, dans une ou plusieurs zones géographiques qu’elle délimite, le nombre maximal d’autorisations temporaires qui peuvent être délivrées ou la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage.
- La désignation de zones réservées à la construction de résidences principales. Les communes comptant plus de 20 % de résidences secondaires ainsi que celles situées en zone tendue pourront, à travers une modification simplifiée de leur plan local d’urbanisme, réserver des zones exclusivement à la construction de résidences principales.
- La réduction du nombre maximal de jours de location touristique des résidences principales de 120 à 90 jours par an. En cas de dépassement du nombre de jours autorisés, le propriétaire est passible d'une amende pouvant atteindre 15 000 € contre 10 000 € avant la présente loi.
Il convient de préciser que l’obligation d’enregistrement diffère du changement d’usage, notion attachée au bien immobilier proprement dit, et à l’utilisation qui en est faite par son propriétaire. En matière de locaux, le droit français distingue les locaux à usage d’habitation de ceux destinés à un autre usage. Etant donné que les locaux d’habitation se définissent comme des locaux qui ont vocation à être occupés par des personnes qui y élisent leur domicile, la location meublée de tourisme ne relève pas de cette catégorie mais de la catégorie des locaux destinés à un autre usage. Lorsque le propriétaire d’un local souhaite changer l’usage pour lequel ce local était initialement utilisé, il doit obtenir une autorisation préalable. En clair, toute personne qui envisage de débuter une location meublée saisonnière doit déposer une demande d’autorisation de changement d’usage si son bien se situe dans une commune qui applique cette réglementation, c’est-à-dire les villes de plus de 200 000 habitants ou celles situées dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val de Marne ou situées en zone tendue. La loi Le Meur étend également l’obligation de changement d’usage aux communes où la taxe annuelle sur les logements vacants est instituée.
Il est à souligner que si vous mettez en location votre résidence principale, vous n’avez pas à obtenir d’autorisation au titre du changement d’usage à la condition d’occuper votre habitation au moins 8 mois dans l’année.
Enfin, la loi Le Meur vise à renforcer le pouvoir des copropriétés puisque le règlement de copropriété devra mentionner l’autorisation ou l’interdiction de location de meublés de tourisme et les assemblées générales pourront interdire ce type de location à une majorité des deux tiers et non plus à l'unanimité.
Rappelons également que le projet de loi de finances pour 2025 prévoit d’alourdir la taxation des plus-values des contribuables imposés au régime réel en réintroduisant le montant des amortissements pratiqués dans le prix de revient du bien.
En conclusion, la loi Le Meur a pour mission d’enrayer l’essor de la transformation d’une partie du parc de logements en meublés à vocation touristique afin de tenter de résorber la crise du logement qui est particulièrement vive dans les zones tendues. Il est clair que la location meublée, qui a longtemps été un havre de paix et de liberté, est en train de perdre une grande partie de ses avantages. Afin d’inciter les contribuables à développer les locations longue durée, il aurait été préférable d’augmenter les avantages de cette catégorie plutôt que de réduire ceux des locations courtes. A priori, le moyen le plus efficace pour lutter contre la crise du logement est de stimuler la construction de logements neufs. Etant donné que, pour résorber le déficit de logements, il faudrait en construire au moins 400 000 par an au cours des 10 prochaines années et que les mises en chantier sur les 12 derniers mois se montent à 270 000, nous sommes loin du compte.