L’année 2024 est à classer parmi les bons millésimes boursiers avec une hausse de l’indice mondial en euros de plus de 23 %. Parmi les grandes places boursières, les USA arrivent en tête, avec une progression de 32 %, suivis par la Chine (+24%) et le Japon (+13%). L’indice européen a modestement gagné 5 % au gré de fortes disparités entre les pays puisque l’Autriche a progressé de 20 % tandis que le Portugal a reculé de 22 %. La France a fini l’année sur un repli modéré de 2%.
Après avoir entamé un bon début d’année et enregistré son plus haut historique à 8 259 points en mai 2024, le CAC 40 s’est enfoncé, en raison de la crise politique liée à la dissolution anticipée de l’Assemblée nationale et de l’onde de choc sur les marchés boursiers provoquée par la hausse surprise des taux japonais, pour toucher un point bas à 7 030 points en août 2024. En définitive, 2024 est une année à oublier pour le CAC 40 qui recueille la moins bonne performance des pays industrialisés. Cette piètre performance s’explique par sa forte exposition aux valeurs du luxe qui, à l’image de LVMH et de Kering, ont souffert de la faiblesse de la demande des consommateurs chinois.
Face aux USA, la sous performance de la bourse européenne est notoire. Celle-ci résulte d’une croissance économique atone en raison des difficultés économiques que traversent la Chine, le premier partenaire commercial de l’Europe, d’une profitabilité moindre que les entreprises américaines et d’une dépendance plus élevée au commerce international. Pour mémoire, au sein de l’Eurostoxx, l’exposition au commerce international se monte à 70 % contre 30 % pour les entreprises composant le S&P 500.
A l’inverse, les marchés américains ont connu une progression lente et régulière, excepté l’épisode baissier de début août lié à la hausse du yen, leur permettant d’atteindre de nouveaux sommets. Comme l’année précédente, la hausse repose majoritairement sur les performances des « BATMMAAN » (Broadcom, Apple, Tesla, Microsoft, Meta, Amazon, Alphabet et Nvidia). La prédominance des marchés américains est telle que leur poids au sein de l’indice mondial est désormais fixé à 70 % contre 30 % dans les années 1980.
Le fait marquant de la fin de l’année a été l’élection triomphale de Donald Trump qui lui octroie une majorité au Sénat, à la chambre des représentants et à la cour suprême.
Parmi les pays ayant enregistré une progression en euros supérieure à 30 %, l’Argentine arrive nettement en tête avec une progression de 123 %, suivie par le Pakistan (+85 %), l’Ukraine (+79%), le Kenya (+74 %), le Sri Lanka (+71%), Israël (+44%), le Liban (+43%), Taïwan (+42%), Singapour et Maurice (+35 %), la Slovénie (+33%) et les USA (+32%). Les moins bons performeurs sont le Nigeria (-65%), le Brésil (-31%), l’Egypte (-29%), le Mexique (-25%), le Portugal (-22%), la Corée (-20%), l’Estonie et Trinidad et Tobago (-12%) et l’Indonésie (-11%).
Pour 2025, les gérants recommandent de surpondérer la bourse américaine galvanisée par l’élection de Trump, ouvrant la voie à une nouvelle ère de politique pro-business dans une économie où tous les voyants économiques (croissance, inflation, emploi et productivité) sont au vert. La seule ombre au tableau concerne un niveau de dette excessif dépassant le seuil des 125 % du PIB. Néanmoins, en raison de sa détention principalement domestique et de la suprématie du dollar, ce niveau d’endettement n’est pas jugé préoccupant. La bourse américaine, qui demeure le plus vaste marché de la planète avec une liquidité et une diversité qu’il est impossible de trouver ailleurs, devrait donc connaître une nouvelle impulsion grâce au programme économique de Trump dont les piliers principaux sont la déréglementation, les baisses d’impôt en faveur des sociétés, la hausse des droits de douane et le contrôle de l’immigration. Ces mesures devraient permettre au PIB américain de croître de 2,50 % et, au dire des prévisionnistes, le S&P 500 devrait progresser de près de 1 000 points pour franchir le seuil des 7 000 points.
Il est à noter que certains analystes estiment que le programme de Trump aura des effets inflationnistes ce qui pourrait entraver la poursuite de la baisse des taux de la Fed et, par conséquent, peser sur la croissance économique et sur les bénéfices des entreprises. L’instauration de barrières douanières sur les importations va renchérir les prix pour le consommateur américain et le contrôle de l’immigration va réduire le nombre de travailleurs, ce qui sera préjudiciable pour les entreprises en raison du renchérissement du coût du travail. Les secteurs les plus touchés devraient être ceux de la restauration et de la construction. En revanche, pour d’autres, les effets de la déréglementation, la baisse des prix de l’énergie ainsi que la résolution probable de la guerre entre l’Ukraine et la Russie auraient des effets déflationnistes permettant de contrecarrer les hausses de prix issues des guerres commerciales et de l’asséchement de la main d’œuvre liée à la politique migratoire.
Outre l’inflation, les principaux risques pouvant entraver une nouvelle année favorable pour les actions américaines sont de deux ordres : une valorisation excessive et le dénouement des carry trades $/yen.
L’un des principaux freins à la poursuite de la hausse de la bourse américaine est sa valorisation jugée excessive. En effet, le ratio cours/bénéfices du S&P 500 corrigé des variations cycliques (ratio CAPE) est plus de deux fois supérieur à sa moyenne de long terme. Pour mémoire, le ratio CAPE est basé sur la moyenne des bénéfices des entreprises corrigés de l’inflation des 10 années précédentes ce qui en fait une mesure moins volatile que le simple ratio cours/bénéfices. S’il est légitime de penser que les valeurs stars du marché américain, à savoir les « BATMMAAN » sont en bulle au regard de leur valorisation, il n’en demeure pas moins vrai que la plupart des autres valeurs, et notamment les petites et moyennes capitalisations, ne le sont pas. En clair, la bourse américaine retraitée des « BATMMAAN » est à peine plus chère que sa moyenne historique. En définitive, même si les valorisations sont plus tendues, les spécialistes demeurent confiants en raison d’une hausse attendue des profits des entreprises de 10 % à 15 % et de bons indicateurs macroéconomiques.
Outre le niveau de valorisation, le principal risque pouvant contrarier la bonne marche de la bourse américaine concerne un possible dénouement des carry trades japonais. La technique du carry trade consiste à tirer profit d’un différentiel de taux d’intérêt entre les pays en empruntant dans une devise dont les taux d’intérêt sont proches de 0 %, tel que le yen, pour les convertir dans une devise plus rémunératrice, telle que le dollar. Le souci est que les capitaux empruntés vont s’investir sur la bourse américaine et plus particulièrement sur les valeurs technologiques. En cas de remontée des taux au Japon, les opérations de carry trade risquent de se dénouer entrainant alors une chute du marché boursier américain. Le carry trade sur le yen est loin d’être anecdotique puisqu’il avoisine les 4 000 milliards de dollars. Quoiqu’il en soit, il est certain que le carry trade est synonyme de volatilité.
Au regard des effets de la politique mise en place par Trump, les stratégistes recommandent de privilégier plus particulièrement les petites et moyennes capitalisations américaines qui devraient être les grandes gagnantes. En effet, ces sociétés sont, par nature, plus exposées au marché intérieur américain que les grosses capitalisations dans la mesure où elles réalisent plus de 80 % de leur chiffre d’affaires aux USA et devraient donc pleinement profiter de la croissance favorisée par la politique de Trump. Le fait que ces entreprises œuvrent majoritairement sur le marché domestique les rend peu sensibles aux éventuelles représailles faisant suite aux hostilités commerciales déclenchées par Donald Trump. De plus, la hausse du dollar, conséquence attendue de la politique de Trump, n’aura que peu d’impact sur ce segment de la côte. En revanche, la déréglementation sera extrêmement bénéfique pour les petites et moyennes valeurs américaines dans la mesure où elles sont affectées de manière disproportionnée par les coûts bureaucratiques. Leurs profits devraient également être dopés par la politique fiscale qui prévoit de ramener de 21 % à 15 % le taux de l’impôt sur les sociétés. Selon les analystes, ces réductions d’impôt auront pour corollaire un doublement du taux de croissance des bénéfices en 2026. De plus, les petites et moyennes capitalisations devraient connaître un boom de l’investissement dans les technologies de rupture telles que l’IA ce qui leur permettra de réduire leurs coûts. Enfin, comme c’est notamment le cas en Europe, les petites et moyennes capitalisations affichent un net retard vis-à-vis des grosses capitalisations qui devrait se combler avec la recrudescence des fusions-acquisitions attendues en 2025.
Au niveau des secteurs, sans surprise, les valeurs technologiques demeurent incontournables propulsées par le boom de l’intelligence artificielle et les effets favorables de la déréglementation. Les valeurs financières ainsi que les secteurs défensifs devraient également être les grands bénéficiaires. En revanche, compte tenu du credo de Trump qui consiste à forer sans relâche afin d’obtenir une énergie bon marché et ainsi favoriser la croissance économique, il est probable que les investissements publics et privés dans l’économie bas carbone vont être à l’arrêt empêchant toute reprise des valeurs liées à l’environnement.
Les barrières commerciales, l’absence d’un plan de relance budgétaire d’envergure axé sur la consommation intérieure et le manque de visibilité sur les perspectives des entreprises chinoises, n’incitent pas les stratèges à se positionner sur la deuxième économie mondiale en dépit de niveau de valorisation historiquement faible. En clair, la croissance chinoise devrait continuer à ralentir en raison des problèmes structurels et d’une faible confiance intérieure. Quelques rares analystes estiment que la Chine pourrait être la grande surprise de l’année car la sous-évaluation historique de la bourse chinoise pourrait laisser augurer d’un prochain retour des investisseurs.
Dans ce contexte, la Chine ne sera pas en capacité de jouer un rôle moteur pour les pays émergents. Outre la faiblesse de l’économie Chinoise, ces derniers risquent de pâtir de la force du dollar, de la mise en place de nouveaux tarifs douaniers et des taux d’intérêt américains élevés. En dépit d’une valorisation attrayante avec un ratio cours/bénéfice de 12, ces éléments conjoncturels négatifs incitent les analystes à ne pas surpondérer les pays émergents au sein des allocations d’actifs.
En revanche, avec des exportations et des importations inférieures à 40 % du PIB, l’Inde a assurément un profil atypique qui la rend peu dépendante du commerce international. Cette faible dépendance, couplée à l’impulsion de plans d’infrastructures colossaux et de la financiarisation de son économie, devraient permettre une progression à deux chiffres du Nifty 50. L’aspect négatif de la bourse indienne concerne sa valorisation qui, avec un ratio cours/bénéfice de 25, semble excessive pouvant laisser à penser qu’une correction à court terme est probable voire salutaire. En clair, si l’Inde est une zone incontournable sur un horizon moyen terme, avec un statut de troisième économie mondiale dès 2027 grâce à une croissance annuelle supérieure à 7 %, il est préférable, au regard de sa valorisation actuelle, d’attendre une correction avant de se positionner.
L’Europe est assurément en panne avec une croissance de son PIB inférieure à 1 %. Ses deux principales puissances, l’Allemagne et la France, sont fragilisées car engluées dans une crise politique qui les empêche de mener à bien les réformes nécessaires pour relancer la croissance (Allemagne) ou lutter contre les déficits (France). Dans ce contexte délétère, une éventuelle guerre commerciale vis-à-vis des USA risquerait de ne pas être tenable dans une Europe où le poids des exportations et importations sur le PIB dépassent le seuil des 75 % attestant d’une forte dépendance au commerce mondial. Le manque de compétitivité de l’Europe impacte ses principaux moteurs de croissance, à savoir le luxe, l’automobile et l’industrie. En termes de valorisation, le CAC 40 affiche une valorisation en phase avec sa moyenne historique, ce qui signifie que le marché ne souffre ni d’un excès d’optimisme, ni de pessimisme à l’égard des actions françaises. Dans ces conditions, les analystes recommandent une légère sous-pondération de l’Europe. L’espoir d’un éventuel rebond vient de la poursuite de la baisse des taux dont le niveau attendu par le consensus devrait être inférieur à 2 % d’ici la fin de l’année. Cette baisse de taux influera positivement sur les bénéfices des entreprises dont la progression est espérée entre 8 et 9 % ce qui pourrait déclencher un rebond du CAC 40 en 2025. Les foncières cotées, classe d’actifs, par nature, sensible au taux d’intérêt sont actuellement sous-valorisées et devraient retrouver des niveaux de valorisation attractifs.
Si l’année 2024 avait démarré sous les meilleures auspices pour le marché japonais, permettant au Nikkei de battre son précédent record datant de 1989, le marché s’est dégradé lorsque la banque du Japon a augmenté les taux d’intérêt à contre-courant du reste du monde. La hausse du dollar induite par l’élection de Trump n’est pas nécessairement un phénomène négatif pour les entreprises japonaises dans la mesure où elles sont, pour la plupart, exportatrices. En revanche, c’est un facteur inflationniste et ceci risque d’être problématique pour les entreprises japonaises liées au marché intérieur qui auront alors à faire face à une augmentation des coûts salariaux. Au regard des perspectives de l’OCDE, l’économie japonaise devrait croître de 1,50 % sous l’effet de la hausse des salaires, de la hausse des bénéfices des entreprises et des aides budgétaires qui vont stimuler la consommation et l’investissement. Quoiqu’il en soit, les stratèges sont dans leur ensemble neutres vis-à-vis du Japon.
Les taux d’intérêt européens étant attendus en baisse, les porteurs d’obligations européennes devraient bénéficier à la fois du rendement et des plus-values. Les obligations émises par les entreprises demeurent le meilleur choix tant pour celles répertoriées investment grade qu’high yield dans la mesure où leur situation financière est plus saine que celle des états européens. Concernant les obligations high yield, les experts recommandent toutefois d’opter pour des durations courtes afin de limiter les risques de défauts.
Concernant les USA, la détention d’obligations américaines demeure dangereuse en cas de hausse des taux. En effet, le scénario central est un arrêt de la baisse des taux suivi d’une remontée progressive en vue de lutter contre les probables tensions inflationnistes liées à la politique prônée par le nouveau président. Sachant que la hausse des taux ne devrait pas intervenir avant la fin de l’année, la détention d’obligations américaines a néanmoins toutes les chances d’être profitable au regard des taux de rémunération en vigueur aux Etats-Unis.
En conclusion, les stratèges sont particulièrement optimistes sur les Etats-Unis, qui devraient continuer à surfer sur la vague dans un environnement favorable poussé par l’innovation, favorisant des gains de productivité et une politique économique pro business favorable aux entreprises. Compte tenu de l’exceptionnalisme américain, l’Europe risque, malheureusement, de rester en retrait. A priori, 2025 devrait être plus volatile que 2024 et, si vous n’appréciez pas spécialement cette volatilité, il est préférable de vous orienter vers les obligations d’entreprises européennes de qualité. En effet, elles devraient délivrer des performances de l’ordre de 5% à 6 % en raison des plus-values encaissées grâce à la baisse des taux d’intérêt attendue en Europe.