Comme évoqué dans notre lettre N°234 de décembre 2014, 62 % des hommes et des femmes dépassent leur espérance de vie à la naissance fixée respectivement à 78 ans et 85 ans. Les hommes qui viennent de franchir le cap des 78 ans disposent encore d’une espérance de vie de 10 ans et les femmes âgées de 85 ans ont une espérance de vie de 8 ans.
Cet allongement de la durée de vie s’accompagne malheureusement d’un état de santé qui, inévitablement, se dégrade et débouche parfois sur une incapacité à s’occuper de la gestion de ses avoirs. Dans cette éventualité, les proches pourront demander la mise en place d’une tutelle mais les démarches sont lourdes et requièrent du temps.
Afin d’éviter cet écueil, la solution consiste à prendre les devants en instaurant un mandat de protection future. Cet acte permet à une personne (le mandant) de désigner un tiers (le mandataire), en vue de la suppléer dans la gestion de ses avoirs dans l’éventualité où celle-ci deviendrait incapable de le faire seule. Dans la pratique, cela permet, par exemple, à un enfant en sa qualité de mandataire d’agir pour le compte et dans l’intérêt de son père (le mandant) si ce dernier n’était plus apte à assumer la gestion de ses avoirs.
Afin que le mandat de protection future produise ses effets, le mandataire devra fournir au tribunal d’instance le mandat et le certificat médical, établi par un médecin habilité par le procureur, justifiant de la déficience du mandant. Dans le cas où le mandant conserverait toutes ses facultés pour gérer ses avoirs jusqu’à son décès, le mandat n’aurait pas vocation à s’appliquer.
Le mandat de protection future a pour objet de fixer le contenu, l’étendue des missions et les pouvoirs du mandataire. Il peut revêtir les deux formes suivantes :
- Le mandat authentique. Ce mandat, comme son nom l’indique, doit obligatoirement être conclu chez un notaire. L’avantage de procéder ainsi est de permettre au mandataire de disposer des mêmes prérogatives que celles octroyées à un tuteur. De ce fait, le mandataire pourra opérer les missions suivantes : perception et réinvestissement des revenus, gestion, préservation, vente, donation ou legs des biens. Le notaire tient un rôle important car c’est à lui que le mandataire va rendre des comptes. Toutefois, par dérogation, le contrôle pourra être assuré par une autre personne que le notaire. Pour mémoire, la forme authentique est obligatoire lorsque le mandat est donné par les parents pour le compte d’un de leurs enfants.
- Le mandat sous-seing privé. Cette formule est plus simple puisque l’intervention d’un notaire n’est pas requise. Toutefois, elle est plus limitée dans la mesure où le mandataire ne peut accomplir que les actes conservatoires ou de gestion courante tels que la perception, le réinvestissement des revenus, la gestion et la préservation des biens. Si le mandataire souhaite accomplir d’autres actes tels que la vente, la donation ou le legs, il devra alors obligatoirement saisir le juge des tutelles. Dans tous les cas, un tiers est désigné afin de contrôler la bonne exécution du mandat.
Tant que le mandat n’est pas ouvert, il peut être révoqué ou modifié ce qui permet de l’adapter en fonction de l’évolution du patrimoine. Le mandat peut également désigner plusieurs mandataires de sorte qu’une personne soit nommée afin d’assurer les soins à la personne et une autre en vue d’assumer la gestion des biens.
A l’ouverture du mandat, le mandataire devra opérer un inventaire des biens puis procéder à une actualisation régulière. Chaque année, il devra rendre compte de sa gestion et en conserver les traces sur les cinq dernières années. Sa mission est illimitée et prendra fin dans les cas suivants :
- Rétablissement des facultés personnelles du mandant.
- Décès ou mise sous curatelle ou tutelle du mandant.
- Décès ou mise sous curatelle ou tutelle du mandataire.
- Révocation du mandat par le juge des tutelles.
Le mandat de protection future ne doit pas être confondu avec le mandat à effet posthume. Ce dernier est radicalement différent puisqu’il prévoit la désignation d’une ou plusieurs personnes (le ou les mandataires) qui assumeront la gestion de toute ou partie du patrimoine du mandant suite à son décès pour le compte des héritiers désignés. En règle générale, cela concerne les héritiers juridiquement incapables, c’est-à-dire les mineurs, les personnes handicapées ou celles qui n’auraient pas les compétences requises dans le cas d’une transmission d’entreprise. Le principe du mandat à effet posthume est donc de confier temporairement la gestion de l’actif successoral du défunt sans intervention du juge des tutelles. Par exemple, en cas de décès prématuré du dirigeant qui laisserait des héritiers mineurs ou en conflit d’intérêts, le mandat à effet posthume permet d’assurer la continuité de l’entreprise et de rassurer à la fois les clients et les fournisseurs. Dans ce cas, le mandataire est alors un associé, un cadre dirigeant ou tout autre tiers de confiance capable de préparer la cession ou la reprise de l’entreprise par les héritiers.
Le recours au mandat à effet posthume est très encadré car il a pour effet de priver les héritiers de la possession de leur héritage. Il a donc pour obligation d’être conclu devant deux notaires, d’être justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard du patrimoine et d’être accepté par le mandataire avant le décès du mandant. Il est à souligner que ce dernier peut révoquer le mandataire désigné qui, lui-même, conserve la faculté de refuser le mandat même après le décès du mandant. De ce fait, la désignation d’un mandataire de second rang est à recommander. Le mandat est en général fixé pour une période de deux ans prorogeable par le juge. Cette durée peut-être de cinq ans soit en présence de biens professionnels soit en présence d’héritiers mineurs ou inaptes. Un héritier peut demander la révocation judiciaire du mandat en cas de disparition de l’intérêt sérieux et légitime ou de mauvaise gestion.
Le mandat à effet posthume est différent du mandat successoral puisque ce dernier n’émane pas directement d’une volonté du défunt. Si la situation l’exige, les héritiers peuvent se mettre d’accord pour désigner l’un d’entre eux ou un tiers comme mandataire du patrimoine successoral. Autrement dit, les héritiers ont, par ce biais, la faculté de désigner un gérant librement choisi par leur soin. Concrètement, cette forme de mandat est utile lorsqu’un héritier réside à l’étranger et n’a pas les moyens matériels de s’occuper des actes d’administration. Ce dispositif concerne également les héritiers qui ne disposent pas du temps ou des compétences nécessaires pour gérer personnellement le patrimoine issu de la succession. Pour information, dès lors qu’un héritier a accepté la succession à concurrence de l’actif net, le mandataire ne peut plus être désigné par les héritiers mais uniquement par le juge.
Il existe encore une autre forme de mandat, à savoir le mandat judiciaire. Celui-ci consiste en la nomination d’un mandataire désigné par le Tribunal de Grande Instance (TGI) suite à une mésentente, carence ou faute d’administration des héritiers. Les créanciers de la succession ainsi que toutes les personnes intéressées par la succession peuvent demander la nomination d’un mandataire. Ce dernier a un pouvoir de gestion administrative. Tant qu’aucun héritier n’a accepté la succession, le mandataire ne peut accomplir que les actes conservatoires ou de surveillance et les actes d’administration provisoire. Dès que la succession est acceptée par l’un des héritiers, le juge peut autoriser le mandataire à effectuer l’ensemble des actes d’administration de la succession et à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession. Enfin, le mandataire doit rendre des comptes au juge ainsi qu’aux héritiers.
En résumé, la désignation au préalable d’un mandataire dont la mission sera d’assurer la gestion des biens d’une personne dans l’incapacité de le faire par elle-même suite à une dégradation de son état de santé ou à son décès permet d’éviter de recourir au juge des tutelles. Dans le cadre du mandat à effet posthume, le mandataire n’intervient qu’après le décès du mandant en gérant la succession dans l’intérêt des héritiers inaptes à le faire eux-mêmes. Dans le cadre du mandat de protection future, le mandant est toujours en vie mais incapable de gérer lui-même son patrimoine d’où le recours au mandataire désigné en vue d’opérer pour le compte du mandant.